> Voyage en Jurançon

7 juin 2010

Le vigneron est une vigneronne. Il s’agit de Françoise Casaubieilh qui a repris l’exploitation familiale de son père Jean. C’est sur ses épaules et celles de son mari que repose le renouveau du Domaine Guirardel à Monein. Pour accéder au domaine, le bus de « la bouteille aux amis » a du se tenir à l’écart car le chemin goudronné ne permet pas l’accès aux gros gabarits. Nous sommes au coeur d’une exploitation artisanale de 5 hectares. La culture de la vigne se fait en hautain pour éloigner les grappes du sol et les protéger ainsi de l’humidité et du gel. Pour l’ensoleillement, les travées du vignoble sont larges (2,80m) et compte-tenu de la pente du terrain, le sarclage se fait un rang sur deux pour éviter le ravinement. L’exposition et la nature caillouteuse du sol constituent des éléments dont la conjugaison peut favoriser la concentration de matière dans les baies. Même s’il se fait du Jurançon sec, le domaine Guirardel préserve l’authenticité et la tradition des moelleux. Gros Manseng et Petit Manseng sont les cépages cultivés. La différence entre les deux tient essentiellement à la taille des grains de raisin et donc à la concentration aromatique.

La technique de passerillage consiste à ce que, sous l’action du vent chaud du sud, le foehn, la concentration des sucres augmente par évaporation de l’eau. Les raisins passerillés sont alors riches en sucre et présentent des arômes de fruits confits. Comme le dit Françoise Casaubieilh, dans le Jurançon, « vous n’avez que du raison sain, ailleurs vous trouverez du raisin pourri. » Rien de personnel contre l’Alsace ou le Sauternais mais un jolie façon, pleine d’humour, de montrer sa différence. Autre originalité, le domaine de Guirardel n’utilise que des levures naturelles qui prennent leur temps pour transformer le sucre en alcool. C’est un endroit où il n’y a pas non plus d’excès du côté de l’emploi systématique de bois neuf pour les barriques. Les tonneaux en chêne durent une vie bien remplie d’une dizaine d’années.

Toutes ces qualités font de la production débusquée par Jean Lecuir une référence pour l’association épicurienne et toulousaine « la bouteille aux amis ». La palette des produits du domaine débute par un Jurançon « Tradicioû » très acceptable que j’ai fort apprécié. Le Jurançon Guirardel ne donne jamais le sentiment d’être trop sucré et presque collant que j’ai conservé de mes rares virées paloises. Le Jurançon « Bi dé Casau » mélange 50% de Petit et 50% de Gros Manseng. Le Jurançon « Bi de Prat – Marrote » (100% Petit Manseng) correspond à la parcelle de galets qui amplifie la palette aromatique et les phénomènes de sur-maturation. Enfin, le « Coufít dé Manseng » est un « vendanges tardives » élévé en barrique plus longtemps. Dans des dégustations à l’aveugle, des œnologues expérimentés ont mis en évidence l’acidité très rare que l’on retrouve dans quelques très grands vins d’Alsace.

Pour tous ceux qui ne sont pas regroupés en coopérative ou ne vendent pas au négociant bordelais Castel, c’est-à-dire les vignerons indépendants, il existe une forme de solidarité. Elle s’exerce au sein de l’association « Route des Vins du Jurançon » qui réalise de nombreuses animations dont les Portes ouvertes le deuxième dimanche de décembre avec la présence et la participation des vignerons, artisans, producteurs fermiers et artistes. Françoise Casaubieilh y est particulièrement active et sa propriété garde le souvenir des expositions de peintres. Elle a su admirablement accueillir la cinquantaine de convives que nous étions samedi dernier et l’expression en Gasconha la tradiciou de l’ospitalità es reina n’est pas usurpée.

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